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L'externalisation des services RH continue sa progression

15 Septembre 2008 , Rédigé par Sandrine Publié dans #Ressources humaines

Dans Les Echos

Après l'informatique et la comptabilité, l'externalisation s'étend depuis quelques années à la fonction ressources humaines, pour permettre aux équipes internes de se recentrer sur les tâches à plus forte valeur ajoutée. Les services de la paie, de la formation et du recrutement sont de plus en plus confiés à des prestataires extérieurs qui ne cessent d'élargir leur offre et se livrent une guerre des prix en délocalisant leurs prestations. Toujours plus loin pour toujours moins cher. Avec parfois quelques déconvenues.

Les chiffres ne cessent de le confirmer, la décennie 2000 marque le décollage de l'externalisation dans la fonction ressources humaines. Selon le sondage 2008 de la société d'études Markess, 45 % des 400 entreprises interrogées en France ont déjà franchi le pas, soit une croissance de 12 % du nombre d'adeptes par rapport à 2007.

Comme les années précédentes, la paie constitue la vache à lait des spécialistes de l'externalisation RH. Un segment nourri par les réformes gouvernementales successives, au point que les prestataires se frottent les mains lors des changements de majorité, toujours de bon augure pour leur business. « Chaque ministre du travail entend apporter sa contribution à la feuille de paie qui s'est transformée en un mille-feuille juridique et comptable », rappelle Thomas Chardin, spécialiste de l'externalisation RH chez ADP, un des leaders du secteur. La trentaine de juristes de ce prestataire s'est récemment penchée sur la loi Tepa (en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat) et son volet portant sur les heures supplémentaires. « Son intégration dans les systèmes d'information RH relève parfois du casse-tête », souligne Thomas Chardin. Pas étonnant dans ces conditions qu'autant de DRH soient tentés d'externaliser la paie. C'est le cas de Philips France qui, en déléguant à ADP la gestion de sa paie, a réalisé 12 % d'économies sur un coût global annuel de 1,5 million d'euros. Ce faisant, l'industriel a transféré quatre personnes chez son prestataire, changé d'affectation six collaborateurs mais conservé cinq personnes sur cette fonction. « Nous avons souhaité maintenir une compétence en interne pour suivre mensuellement à partir d'indicateurs de qualité les 70 processus liés à la paie », précise Bertrand Cardera, le DRH.

Gains de coût et de qualité

Dans les autres activités RH, les prestataires rencontrent moins de succès. Ainsi, moins du quart des firmes sondées par Markess recourent en 2008 à l'externalisation pour l'administration du personnel, la gestion des temps et des activités, le recrutement ou la gestion de la formation. Le Club Med fait partie de ces pionniers puisqu`il a délégué au courtier Place de La Formation la sélection des offres de formation et les démarches administratives liées au DIF (droit individuel de formation). Le voyagiste voit en effet le nombre de demandes de DIF exploser, passant de 100 en 2006 à 300 en 2007. « Nous en prévoyons 800 pour 2008. Pour éviter d'être débordés, nous avons décidé de recourir à un prestataire », explique-t-on à la DRH du Club Med. Grâce à un intranet dédié à la gestion des dossiers, le Club Med transmet les demandes à son prestataire qui soumet deux propositions au choix du salarié. A charge ensuite pour Place de la Formation de gérer le dossier de A à Z. Résultat, le Club Med a réduit de trente à quinze jours le délai d'instruction d'une demande de DIF.

Comme pour la paie, les clients qui externalisent la formation attendent des gains en qualité mais aussi des réductions de coût. Sur le pôle formation, qui a généré un chiffre d'affaires de 1,5 million d'euros en 2007 et augmente de 10 à 15 % par an, le cabinet Merlane (20 collaborateurs) assure la gestion administrative de la formation pour les 25.000 salariés de ses entreprises clientes. « En rationalisant et en informatisant les processus, nous faisons réaliser à nos clients entre 20 % et 30 % d'économies », assure Jean-Michel Mathieu, un des directeurs du cabinet.

La solution des CSP

La décision d'externaliser ou non procède donc d'un calcul coût-avantages dont le résultat dépend de multiples critères. Interviennent la stratégie, le contexte social mais aussi la fréquence du processus concerné : ainsi une entreprise qui recrute beaucoup peut avoir intérêt à conserver en interne cette expertise qu'elle maîtrise parfaitement. En effet, l'externalisation ne constitue pas toujours la meilleure solution. « Nous menons pour nos clients des études d'opportunités pour la paie et, dans 30 % des cas, nous recommandons à nos clients de la garder en interne », affirme Norbert Faure, associé chez Ineum Consulting en charge des RH. Les entreprises doivent enfin prendre de solides précautions avant de se lancer. « Il ne faut externaliser que des processus bien identifiés et rodés dans l'entreprise sous peine d'encourir un échec », avertit Dominique Brard, directrice adjointe du cabinet Altedia. Et se donner la peine d'accompagner les salariés des services RH dont le métier va être impacté ou qui vont être transférés chez le prestataire. Bien qu'encadrée par la loi, la reprise du personnel se révèle souvent anxiogène et suscite généralement la méfiance des syndicats. Pour rassurer les salariés, les entreprises peuvent négocier avec les prestataires le maintien de certains avantages. De leur côté, les prestataires font miroiter la possibilité de meilleures perspectives de carrière, puisque les processus RH externalisés constituent leur coeur de métier.

Soucieuses d'éviter les déceptions ou tensions, nombre d'entreprises préfèrent cependant miser sur l'alternative que constituent les CSP (centre de services partagés). En regroupant des services RH dispersés entre plusieurs établissements et en ouvrant un intranet RH performant, elles réalisent déjà des gains de productivité considérables, tout en conservant en interne leur expertise et en améliorant la qualité du service rendu. Une solution déjà retenue par Renault, Air France, AXA, Carrefour ou Michelin. En centralisant à Clermont-Ferrand le traitement de la paie, hier réalisé sur ses 25 sites, le fabricant de pneumatiques a réduit d'un tiers les effectifs dédiés à cette tâche. Le tout sans licenciement, grâce aux départs à la retraite et à la mobilité interne. Responsable de ses moyens, de la qualité et du coût des prestations à l'égard des clients internes à l'entreprise, le CSP RH constitue parfois une première étape vers l'externalisation. En identifiant les coûts, il permet en tout cas de comparer les performances internes et l'offre des prestataires. Et de leur transférer plus facilement le cas échéant une partie des tâches et des collaborateurs.

« Off » ou « nearshore »

A l'inverse, d'autres entreprises prennent le risque de délocaliser leurs processus RH dans un pays à bas coûts au sein d'un CSP (lire ci-dessous l'exemple d'IBM) ou chez un prestataire. Les tâches occasionnant peu ou pas d'interactions avec les salariés peuvent en effet être assurés facilement en offshore. Ainsi en va-t-il de la saisie de données (notes de frais, compilation de statistiques sociales...). D'autres processus simples (suivi de dossiers administratifs) exigent cependant une proximité culturelle, linguistique et en fuseau horaire qu'assurent éventuellement les centres « nearshore » d'Europe de l'Est. Ne demeurent alors dans le pays d'origine que les tâches complexes (évaluation, conseil en développement de carrière, expertise juridique...) réclamant une proximité physique avec les salariés, assurée par des DRH ou des prestataires locaux.

Ce schéma a été retenu par EDS, récemment rachetée par HP. Cette SSII, qui offre par ailleurs des prestations d'externalisation à ses clients, a transféré à son CSP de Budapest des tâches simples telles que l'établissement des contrats de travail, la délivrance de diverses attestations, la gestion des congés et absences. Dans la nouvelle organisation, les managers opérationnels d'EDS sont devenus les interlocuteurs RH de premier niveau pour leurs collaborateurs. Il leur revient de contacter la plate-forme d'EDS à Budapest où officient des Hongrois francophones. Ces derniers sont recrutés avec une formation équivalente à un bac+5 en gestion ou commerce international, soit un niveau généralement supérieur aux employés RH qui assuraient les mêmes tâches administratives dans l'Hexagone. De quoi compenser, selon la direction, une moins bonne maîtrise de la langue et les subtilités du contexte français.

Reste que dans ce schéma, les managers risquent de voir s'alourdir nettement leur charge de travail. Ainsi Elisabeth Bouchard-Bazillier, responsable d'une des « business units » d'EDS, voit converger sur elle les demandes RH de ses 120 collaborateurs qui s'adressaient auparavant directement à la DRH France. De leur côté, les syndicats s'inquiètent d'une dégradation de la qualité du service RH. « Dès qu'on sort des procédures courantes, nous constatons des problèmes car les salariés hongrois ne connaissent pas bien le droit français Et ça déshumanise les relations car tout se fait par mails », pointe François Vallade secrétaire du comité d'entreprise d'EDS. Si la délocalisation des processus RH peut agacer des collaborateurs attachés à la proximité, elle peut aussi décevoir les entreprises sur le terrain de l'efficacité. Soucieux de réduire les coûts dans un contexte de crise, le département RH de Rhodia avait tenté un double saut dans l'inconnu, avec l'externalisation et la délocalisation simultanée en Europe de l'Est de la gestion de la paie et de nombreux processus administratifs (sourcing, administration de la formation...). Très (trop ?) ambitieux, le projet a occasionné des cafouillages, au point d'amener le chimiste à réviser le périmètre des tâches confiées à ses prestataires ADP et IBM.

Nouveau profil du DRH

Malgré ces accidents de parcours, la France va t-elle s'aligner sur le Royaume-Uni ou les Etats-Unis où l'externalisation RH, y compris offshore, est bien plus avancée ? Pour Robert Zampetti, consultant senior au bureau londonien du prestataire Towers Perrin, il ne saurait y avoir d'exception française durable en ce domaine : « Les causes des résistances françaises sont les mêmes que celles que l'on a pu constater antérieurement ailleurs ». Classiquement, les DRH craignent de perdre la maîtrise des processus, les syndicats et salariés s'inquiètent des réductions d'effectifs et tous s'interrogent sur la qualité du service RH suite à l'externalisation. Néanmoins, la société Markess prévoit qu'en 2010 plus d'une firme sur deux se sera convertie à l'externalisation d'une partie au moins de ses processus RH. Une évolution qui va évidemment impacter le profil des DRH : de plus en plus managers, capables de piloter des équipes externes, mais plus forcément des experts du Code du travail ou de la paie...

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E
<br /> <br /> Merci pour cet article sur l'externalisation. L'externalisation a commencé avec la saisie comptable et continue son chemin vers les ressources humaines. Vous avez raison qu'il faut toujours<br /> garder en interne à l'entreprise une personne pour contrôler les prestations des entreprises d'externalisation. Ce contrôle permet aussi d'éviter les inconvénients du système : la perte de<br /> contrôle. L'entreprise pourra ainsi profiter de tous les avantages de l'externalisation.<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
T
Afin d’échanger et de partager autour des pratiques d’externalisation en Ressources Humaines, je vous invite à consulter le bog EXTERNALISATION RH : http://externalisationrh.blogspot.com/
Répondre
S
<br /> je consulte de temps en temps effectivement votre blog, très intéressant.<br /> <br /> Cependant, je traite plus particulièrement de l'edition de logiciel et pas de l'externalisation fonctionnelle ;-)<br /> <br /> <br />