Une étude de l’agence Hopscotch octroie au patron de Dexia la meilleure e-réputation du CAC 40. Mais paradoxalement, la performance de l’entreprise et du dirigeant ne sont pas forcément corrélées. Interview de Jérôme Lascombe, président de Hopscotch. La notoriété d’un grand patron n’est pas le sésame pour une bonne réputation sur le Web. Le classement de la e-réputation des dirigeants du CAC 40, que vient de publier l’agence de communication Hopscotch, a mis en tête et dans l'ordre Jean-Luc Dehaene (Dexia), Franck Riboud (Danone) et le beaucoup moins connu Pierre-André de Chalendar (Saint-Gobain). D'ailleurs, dans le top 10, se côtoient quelques "célébrités" et des chefs d'entreprise plus discrets, par exemple Lakshmi Mittal (ArcelorMittal) et Pierre Pringuet (Pernod-Ricard). Président du conseil d’administration de Dexia jusqu’en 2013, Jean-Luc Dehaene est davantage connu dans la vie politique belge et européenne que dans l’économie. Hopscoth a mesuré la e-réputation pendant seulement une semaine (du 1er au 8 février) notamment au travers d’un indice de stabilité (niveau de contrôle des 10 premiers liens Google), l’indice de qualité (tonalité des contenus les plus visibles), ou, sur les six derniers mois le nombre moyen de requêtes (indice d’intérêt). Mais l’agence n’a publié les noms que des meilleurs. Au-delà du classement, l’enquête révèle deux fortes tendances : globalement, la réputation des grands patrons sur Internet se fait malgré eux. Ils n’ont en majorité pas de blog visible ou de présence sur les réseaux sociaux. Enfin les réputations des patrons et de leur entreprise sont souvent déconnectées. Jérôme Lascombe, président de Hopscotch, revient sur ces paradoxes. Certains patrons ont-ils déjà réagi à votre classement ? Jérôme Lascombe : Pas directement. Mais l’entourage de quatre d’entre eux sont entrés en contact avec nous depuis la publication. Il s’agissait de dirigeants bien classés, du reste. Pourquoi les dirigeants du CAC 40 semblent-ils assez indifférents à leur e-réputation ? J. L. : En terme de classe d’âge, la plupart de ces dirigeants viennent du “prénumérique”. Leur politique était souvent de dire “laissons parler”. Mais il commence à y avoir une bascule. Certains sont alertés au travers de leur cercle familial, lorsque un petit-fils montre à son grand-père ce qu’il a découvert sur Internet. Enfin Ia présence d’Internet est devenue totalement incontournable avec environ 10 millions de blogueurs en France, et 15 millions de comptes Facebook, ou encore 150 000 comptes Twitter. On peut supposer que les jeunes dirigeants auront un autre point de vue. Quelle relation y a-t-il entre la réputation d’une entreprise et celle de son dirigeant ? J. L. : Les deux n’évoluent pas forcément dans la même direction. Par exemple, Jean-Luc Dehaene est en tête du classement, car il a un passé d’homme d’État, et il est arrivé comme sauveur pour Dexia. La réputation de Dexia - après la crise financière - ne suit pas la même pente. À l’inverse, il est clair que la mauvaise réputation d’un patron finirait par rejaillir sur l’entreprise. Pas forcément pour le grand public, qui ne connaît pas toujours le nom du dirigeant. Mais il y a d’autres parties prenantes, les actionnaires, les ONG, les journalistes... Les relais d’opinion finissent par faire ce lien. Les mouvements des internautes sont très volatiles. Pourquoi un dirigeant chercherait-il à “courir” derrière l’opinion ? J. L. : Il est vrai qu’avec Twitter la modification de contenus devient rapide et facile. De plus, Google commence à indexer du contenu Facebook, ce qui rendra tout mouvement d’opinion très visible sur une recherche avec ce moteur. Se résoudre à "laisser parler" peut en théorie constituer une attitude. Mais si vous ne dites rien, seuls les mécontents s’expriment. Sans pouvoir maîtriser 100 % des contenus, il ne faut pas non plus abandonner le terrain. |